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— Mon frère a-t-il un bon cheval ?

— Je n’en ai aucun, ni bon, ni mauvais.

— On en donnera un à mon frère, ardent comme la tempête.

— Bon ! que ferai-je ?

— Joan remettra ce collier au général espagnol Fuentès, qui commande les troupes de la province de Concepcion.

— Je le lui remettrai.

Don Tadeo tira de sa poitrine un poignard de forme bizarre, dont la poignée en bronze servait de cachet.

— Que mon frère prenne ce poignard : en le voyant, le général saura que Joan vient de ma part.

— Bon ! fit le guerrier en prenant l’arme qu’il passa à sa ceinture.

— Que mon frère prenne garde, cette arme est empoisonnée, la plus légère piqûre donne la mort.

— Oh ! oh ! dit l’Indien avec un sourire sinistre, c’est une bonne arme ; quand dois-je partir ?

— Mon frère est-il reposé ?

— Je suis reposé.

— On va donner un cheval à mon frère.

— Bon ! Adieu.

— Un mot encore.

— J’écoute.

— Que mon frère ne se fasse pas tuer, je veux qu’il revienne près de moi.

— Je reviendrai, dit l’Indien, avec assurance.

— Adieu !

— Adieu !

Joan sortit.

Dix minutes plus tard, il galopait à toute bride sur la route de Concepcion, et dépassait don Ramon Sandias, qui trottait de mauvaise grâce sur la même route.

Don Tadeo et don Gregorio quittèrent le cabido.

Les ordres du Roi des Ténèbres avaient été exécutés avec une ponctualité et une intelligence, remarquables.

La garde civile, fort nombreuse déjà, était presque organisée et en état si besoin était, de défendre la ville.

Deux corps de troupes étaient rangés en bataille.

L’un, de neuf cents hommes, était chargé d’attaquer Arauco, l’autre, de près de deux mille, sous les ordres immédiats de don Tadeo lui-même, devait aller à la recherche de l’armée araucanienne et lui offrir la bataille.

Don Tadeo passa en revue cette petite armée.

Il n’eut qu’à se louer de la bonne tenue et de l’ardeur des soldats. Après avoir adressé une dernière allocution aux habitants de Valdivia, pour leur recommander la plus grande vigilance, le Roi des Ténèbres donna l’ordre du départ.

Outre une assez nombreuse cavalerie, l’armée chilienne emmenait avec elle dix pièces d’artillerie de montagne.