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mieux valait s’exécuter bravement ; que le moment venu de tenir sa promesse, il saurait bien trouver un faux-fuyant pour s’en dispenser.

Se tournant alors vers Antinahuel, il lui dit en souriant :

— Soit ! mon frère a raison, je vais faire ce qu’il désire.

Le toqui s’inclina gravement.

Le général plaça le papier devant lui, écrivit rapidement quelques lignes et signa.

— Tenez, chef, dit-il en présentant le papier à Antinahuel, voici ce que vous m’avez demandé.

— Bon, répondit celui-ci en le prenant.

Il le tourna et le retourna dans tous les sens, cherchant probablement ce que le général avait écrit ; mais, comme on le pense, tous ses efforts restèrent sans résultat.

Don Pancho et doña Maria le suivaient attentivement des yeux.

Au bout d’un instant, le chef fit un signe au Cerf Noir.

Celui-ci sortit et rentra presque aussitôt suivi de deux guerriers qui conduisaient au milieu d’eux un soldat chilien.

Le pauvre diable n’avait pu suivre ses camarades, lorsqu’ils s’étaient échappés, à cause d’une blessure assez grave à la jambe ; il était pâle et jetait des regards effarés autour de lui.

Antinahuel sourit en le voyant.

Moro Huinca, lui dit-il d’une voix rude, sais-tu expliquer ce qu’il y a sur le papier ?

— Hein ? répondit le soldat, qui ne comprenait pas cette question à laquelle il était loin de s’attendre.

Le général prit alors la parole :

— Le chef te demande si tu sais lire ? fit-il.

— Oui, Seigneurie, balbutia le blessé.

— Bon, fit Antinahuel ; tiens, explique, et il lui donna le papier.

Le soldat le prit machinalement.

Il le tourna et retourna entre ses doigts.

Il était évident que ce misérable, abruti par la terreur, ne savait pas ce qu’on voulait de lui.

Le général arrêta d’un geste le chef, que ce manège impatientait, et s’adressant de nouveau au soldat :

— Mon ami, lui dit-il, puisque vous savez lire, ayez, je vous prie, l’obligeance de nous expliquer ce qu’il y a sur ce papier. N’est-ce pas cela que vous désirez, chef ? fit-il en s’adressant au toqui.

Celui-ci hocha affirmativement la tête.

Le soldat, dont la frayeur était un peu calmée, grâce à l’accent amical que le général avait pris en lui parlant, comprit enfin ce qu’on attendait de lui ; il jeta les yeux sur le papier et lut ce qui suit, d’une voix tremblante et entrecoupée par un reste d’émotion :

« Je soussigné don Pancho Bustamente, général de division, ex-ministre de la guerre de la République chilienne, m’engage envers Antinahuel, grand