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lieu de les retenir comme il l’avait fait jusque-là, de les exciter, au contraire, à marcher en avant.

Tout à coup un bruit de hache résonna à quelques pas en avant de la troupe ; le juge, poussé par le sentiment de son devoir et la honte de sembler avoir peur, s’avança résolument dans la direction du bruit, suivi de son escorte.

— Halte ! cria une voix rude au moment où les agents de police tournaient l’angle d’un sentier.

Avec cet instinct de la conservation qui ne les abandonne jamais, les alguazils s’arrêtèrent comme si les pieds de leurs chevaux eussent été subitement soudés au sol.

À dix pas, au milieu du sentier, se tenait un homme de haute taille, appuyé sur un rifle américain.

Le juge se retourna du côté de don Miguel avec une expression d’hésitation et de terreur si franche, que l’hacendero ne put s’empêcher de rire.

— Voyons, du courage, don Luciano, lui dit-il ; cet homme est seul, il ne peut avoir la prétention de nous barrer le passage.

Con mil diablos ! s’écria le juge, honteux de cette impression dont il n’avait pas été maître, et fronçant le sourcil, en avant ! vous autres, feu sur ce drôle s’il fait mine de vouloir vous résister.

Les alguazils se mirent en marche avec une hésitation prudente.

— Halte ! vous dis-je, reprit le squatter ; n’avez-vous pas entendu l’ordre que je vous ai donné ?

Le juge, rassuré par la présence de l’hacendero, s’avança alors, et d’un ton qu’il essaya de rendre terrible, mais qui n’était que ridicule à cause de la terreur qui le talonnait et faisait malgré lui trembler sa voix,