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prendre quelques heures d’un repos rendu bien nécessaire par cette longue insomnie.

C’est donc la nuit surtout qu’il faut visiter les villes américano-espagnoles, si l’on veut bien juger de la nature de ce peuple, composé étrange de contrastes les plus disparates, qui ne vit que pour jouir et n’accepte de l’existence que ses joies les plus effrénées.

Pourtant, la nuit dont nous parlons, la ville de Santa-Fé, si rieuse et si babillarde d’ordinaire, était plongée dans une morne tristesse, les rues étaient désertes, les portes fermées, aucune lueur ne filtrait à travers les rideaux des fenêtres hermétiquement closes, chacun dormait ou semblait dormir.

C’est que Santa-Fé était en ce moment en proie à une inquiétude mortelle causée par la condamnation de don Miguel Zarate, le plus riche propriétaire de la province, l’homme qui était aimé et révéré de la population entière ; l’inquiétude prenait sa source dans l’apparition imprévue du détachement de guerre des Comanches, ces féroces ennemis dont les cruautés sont passées en proverbe sur les frontières mexicaines, et dont l’arrivée ne présageait rien de bon.

Don Pablo et son compagnon marchaient vite comme des gens qui ont hâte d’arriver dans un endroit où ils se savent attendus, échangeant entre eux de rares paroles, mais dont le sens, saisi immédiatement par l’homme qui les suivait, l’engageait encore davantage à ne pas les perdre de vue.

Ils parcoururent ainsi la plus grande partie de la ville, ayant toujours sur les talons le fils aîné du squatter.

Arrivés devant une maison de belle apparence, située calle de la Merced, à l’esquina de la plaza Mayor, ils s’arrêtèrent.