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vaient pas fait un geste, ils étaient demeurés spectateurs impassibles de ce qui s’était passé.

Le Mexicain se releva, plongea deux ou trois fois son machete dans l’herbe pour en essuyer la lame, et, se retournant froidement vers les étrangers :

Que tal ? Qu’en dites-vous ? fit-il.

— Parfaitement joué, répondit le premier ; c’est un des plus jolis coups doubles que j’aie vus de ma vie.

Les deux hommes jetèrent leurs fusils sur l’épaule et s’avancèrent vers le Mexicain, qui rechargeait son rifle avec autant de sang-froid et d’un air aussi tranquille que s’il ne venait pas d’échapper par un miracle d’adresse à un danger terrible.

Le soleil descendait rapidement à l’horizon, l’ombre des arbres prenait une longueur prodigieuse, le globe du soleil apparaissait comme une boule de feu au milieu de l’azur limpide du ciel.

La nuit n’allait pas tarder à venir, le désert se réveillait ; de toutes parts on entendait, dans les sombres et mystérieuses profondeurs de la forêt vierge, les sourds hurlements des coyotes et des bêtes fauves mêlés aux chants des oiseaux perchés sur toutes les branches.

Splendide concert chanté par tous les hôtes libres et indomptés des prairies à la gloire de Dieu, salut sublime adressé au soleil sur le point de disparaître.

Le désert, silencieux et morne pendant les fortes chaleurs du jour, sortait de sa torpeur maladive à l’approche du soir, et se préparait à prendre ses ébats nocturnes.

Les trois hommes, réunis dans la clairière, rassemblèrent des branches sèches, en firent un monceau et y mirent le feu.