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attendait avec anxiété le dénoûment du terrible drame qui se préparait.

Seul, Fray Ambrosio n’avait pas quitté sa place, pas fait un geste, un mouvement.

Les deux hommes roulèrent leur zarape autour du bras gauche, se plantèrent bien carrément sur leurs jambes écartées, penchèrent légèrement le corps en avant, et, appuyant l’extrémité de la lame du couteau qu’ils tenaient de la main droite sur le bras gauche arrondi devant la poitrine, ils attendirent en fixant l’un sur l’autre des regards étincelants.

Quelques secondes s’écoulèrent pendant lesquelles les deux adversaires restèrent dans une immobilité complète.

Tous les cœurs étaient serrés, toutes les poitrines haletantes.

C’était une scène digne du crayon de Callot que celle qu’offraient ces hommes aux visages basanés, aux traits durs, aux vêtements en lambeaux, faisant cercle autour de ces deux hommes prêts à s’entretuer dans cette salle d’un aspect ignoble, faiblement éclairée par une lampe fumeuse qui faisait jaillir des étincelles sinistres des lames bleuâtres des couteaux, et, dans l’ombre, assis et disparaissant presque dans sa robe noire, le moine au regard implacable, au sourire railleur, qui, comme un tigre altéré de sang, attendait l’heure de la curée.

Tout à coup, par un mouvement spontané et prompt comme la foudre, les deux adversaires se ruèrent l’un sur l’autre en poussant un rugissement de colère.

Les lames étincelèrent, il y eut un froissement sec ; ils reculèrent d’un commun accord.

Joaquin et Tomaso s’étaient tous deux porté le