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en déployant son zarapè en signe de paix ; que le Wacondah lui donne une bonne chasse !

— Je remercie mon frère la face pâle, répondit l’Indien en levant la tête, il est le bien-venu ; j’ai encore deux poignées de pennekaun, et il y a place pour lui à mon foyer.

Nathan s’approcha, et, sans plus de cérémonies, il s’accroupit auprès de son nouvel ami, qui partagea fraternellement ses provisions avec lui, mais sans lui adresser une question.

Les Peaux-Rouges considèrent comme une grande inconvenance d’adresser à leurs hôtes des questions quelles qu’elles soient, lorsque ceux-ci ne les encouragent pas à le faire.

Après avoir mangé, le Nez-Percé alluma une pipe indienne, manœuvre qui fut immédiatement imitée par l’Américain.

Les deux hommes restèrent ainsi à s’envoyer, silencieux comme des souches, réciproquement des bouffées de fumée au visage. Lorsque le Nez-Percé eut fini son calumet, il en secoua la cendre sur le pouce et passa le tuyau à sa ceinture, puis il appuya les coudes sur les genoux, la tête dans la paume des mains, et, fermant les yeux à demi, il se plongea dans cet état de béatitude extatique que les Italiens nomment il dolce far niente, les Turcs le kief, paume des mains, et qui n’a pas d’équivalent en français.

Nathan bourra sa pipe une seconde fois, l’alluma, et, se tournant vers son compagnon :

— Mon frère est un chef ? lui demanda-t-il.

L’Indien releva la tête.

— Non, répondit-il avec un sourire d’orgueil, je suis un des maîtres de la grande médecine.