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en se tournant vers les jeunes gens avec un haussement d’épaules significatif. Voilà votre père, un homme dont toute la vie s’est passée dans le désert, qui tout d’abord en oublie la loi la plus sacrée : œil pour œil, dent pour dent, et qui ne veut pas comprendre que cet homme qui, dit-il, lui a sauvé la vie, a au contraire soigné ses blessures afin de jouir plus tard de ses tortures et d’avoir le plaisir de lui ôter cette vie tout entière au lieu du misérable souffle qui lui restait lorsqu’il l’a rencontré.

— Oh ! non, s’écria le squatter, vous mentez, cela n’est pas possible.

— Cela n’est pas possible ! reprit le moine avec pitié ; oh ! que les hommes sont aveugles ! Voyons, réfléchissez, compère : ce prêtre n’avait-il pas une injure à venger ?

— C’est vrai, murmura le Cèdre-Rouge avec un soupir ; mais il m’a pardonné.

— Il vous a pardonné ! Est-ce que vous pardonneriez, vous ? Allons donc ! vous êtes fou, compère ; je vois qu’il n’y a rien à tirer de vous ; faites ce que vous voudrez, nous vous laissons.

— Oui, fit le squatter, laissez-moi, je ne demande pas mieux.

Le moine et ses deux compagnons firent quelques pas en arrière comme pour s’en aller.

Fray Ambrosio se retourna, le Cèdre-Rouge était toujours à la même place ; la tête basse et les sourcils froncés, il réfléchissait.

Le moine comprit que le squatter était ébranlé, que le moment était venu de frapper un grand coup.

Il retourna sur ses pas.