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— Mon ami, ces Dauph’yeers dont je vous ai parlé, si vous voulez réussir, leur amitié et leur protection vous sont indispensables,

— Hélas ! comment puis-je obtenir cette amitié et cette protection, moi, misérable inconnu ? Maintenant je tremble en songeant à ce pays dans lequel j’avais rêvé de me créer un si bel avenir ; le bandeau qui couvrait mes yeux est tombé ; je vois l’extravagance de mes projets, l’espoir m’abandonne.

— Déjà ! s’écria sévèrement le baron. Enfant sans énergie, qui renonce à la lutte avant même de l’avoir engagée ! Homme sans force et sans courage ! Cette protection et cette amitié qui vous sont indispensables, si vous le voulez, moi je vous donne les moyens de les obtenir.

— Vous ! s’écria le comte en tressaillant.

— Oui, moi ! Croyez-vous donc que je me serais amusé à torturer votre âme pendant deux heures, à jouer avec vous comme un jaguar avec un agneau, pour le plaisir banal de railler ? Non, Gaëtan. Si vous avez eu cette pensée, vous avez eu tort ; je vous aime. Lorsque j’ai connu votre projet, j’ai applaudi du fond du cœur à cette résolution qui vous réhabilitait dans mon esprit ; lorsque cette nuit vous nous avez franchement avoué votre position et expliqué vos projets, je me suis retrouvé en vous, mon cœur a tressailli, pendant une minute j’ai été heureux, et alors j’ai juré de vous ouvrir la voie si large, si grande et si belle, que si vous ne réussissiez pas, c’est que vous-même ne voudriez pas réussir.

— Oh ! fit énergiquement le comte, je puis succomber dans la lutte qui commence aujourd’hui entre moi et l’humanité tout entière ; mais, ne crai-