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de douleur et se voila la face avec un pan de sa robe de bison.

Il se fit un grand silence dans l’assemblée ; le Moqueur semblait interroger les autres chefs du regard ; enfin il se leva et prit la parole à son tour pour répondre au sachem.

— Le Moqueur est jeune, dit-il, sa tête est bonne, bien qu’elle ne possède pas encore la grande sagesse de celle de mon père. La Tête-d’Aigle est un sachem aimé du Wacondah ; pourquoi le maître de la vie a-t-il ramené le chef parmi les guerriers de sa nation ? Est-ce donc pour qu’il les quitte ainsi presque immédiatement ? Non ! le maître de la vie aime ses fils comanches ; il n’a pu vouloir cela ! Les guerriers ont besoin d’un chef sage et expérimenté pour les guider sur le sentier de la guerre et les instruire autour du feu du conseil ; la tête de mon père est grise, il instruira et guidera les guerriers ; le Moqueur ne peut le faire, il est trop jeune encore ; l’expérience lui manque. Où mon père ira, ses fils iront ; ce que mon père voudra, ses fils le voudront ; mais qu’il ne parle plus de les quitter ! Qu’il dissipe le nuage qui obscurcit ses esprits ; ses fils l’en supplient par la voix du Moqueur, cet enfant qu’il a élevé, qu’il a tant aimé jadis et dont il a fait un homme. J’ai dit. Voilà mon wampum ! Ai-je bien parlé, hommes puissants ?

Après avoir prononcé ces dernières paroles. Le chef jeta un collier de wampum aux pieds de la Tête-d’Aigle et se rassit.

— Que le grand sachem reste avec ses fils, s’écrièrent tous les guerriers en jetant à la fois leurs colliers de wampum auprès de celui du Moqueur.