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Le porte-pipe s’éloigna après cet avis, qui pouvait presque passer pour une mercuriale. Alors la Tête-d’Aigle se leva, jeta un regard circulaire aux guerriers rassemblés à ses côtés et prit la parole :

— Chefs et guerriers comanches, dit-il, bien des lunes se sont écoulées depuis que j’ai quitté les villages de ma nation, bien des lunes s’écouleront encore avant que le Wacondah tout-puissant me permette de m’asseoir au feu du conseil des grands sachems comanches. Le sang a toujours coulé rouge dans mes veines et mon cœur n’a jamais eu de peau pour mes frères. Les paroles que souffle ma poitrine arrivent à mes lèvres par la volonté du Grand-Esprit. Il sait combien j’ai conservé d’amour pour vous tous. La nation comanche est puissante, c’est la reine des prairies. Ses territoires de chasse couvrent toute la terre, qu’a-t-elle besoin de s’allier avec d’autres nations pour venger ses injures ? le coyote immonde se retire-t-il dans la tanière de l’orgueilleux jaguar ? le hibou fait-il ses œufs dans le nid de l’aigle ? pourquoi le Comanche marcherait-il sur le sentier de la guerre avec les chiens apaches ? les Apaches sont des femmes lâches et traîtres. Je remercie mes frères, non-seulement d’avoir rompu avec eux, mais encore de m’avoir aidé à les battre ; maintenant, mon cœur est triste, un brouillard couvre mon esprit parce qu’il faut que je me sépare de mes frères. Qu’ils agréent mes adieux ; que le Moqueur me plaigne, parce que loin de lui je marcherai dans l’ombre ; les rayons du soleil, si ardents qu’ils soient, ne parviendront pas à me réchauffer. J’ai dit. Ai-je bien parlé, hommes puissants ?

La Tête-d’Aigle se rassit au milieu d’un murmure