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Tout à coup il pâlit, un frisson nerveux agita son corps ; ses yeux agrandis par la terreur se fixèrent obstinément sur le fleuve, et il murmura d’une voix sourde en frappant du pied avec colère :

— Déjà !… les démons !

Ce que le Tigrero avait vu était, en effet, effrayant.

Une troupe de cavaliers indiens traversait le fleuve, à l’endroit précis où lui-même et ses compagnons lavaient traversé quelques heures auparavant.

Don Martial suivait leurs mouvements avec une inquiétude croissante. Arrivés sur la rive, sans hésiter, sans s’arrêter, ils suivirent la route prise par les chasseurs.

Le doute n’était plus possible : les Apaches ne s’étaient pas laissé tromper par les ruses du chasseur ; ils étaient venus en droite ligne derrière la caravane, faisant une diligence extrême. Dans moins d’une heure, ils atteindraient la colline, et alors, avec cette diabolique science qu’ils possédaient pour découvrir les pistes les mieux cachées, qui sait ce qui arriverait ?

Le Tigrero sentit son cœur se briser dans sa poitrine, et, hors de lui, à moitié fou de douleur, il se précipita dans la grotte.

En le voyant arriver ainsi, pâle, les traits décomposés, l’haciendero et sa fille s’élancèrent vers lui.

— Qu’avez-vous, lui demandèrent-ils.

— Nous sommes perdus ! s’écria-t-il avec désespoir, voici les Apaches !

— Les Apaches ! murmurèrent-ils avec terreur.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! sauvez-moi !… s’écria