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de trop de prudence, car il était évident que depuis le lever du soleil les Apaches avaient dû se mettre à leur poursuite ; il fallait absolument faire perdre la piste à ces fins limiers. Malgré toutes les précautions qu’il avait employées, le Tigrero n’osait se flatter de les avoir dévoyés, tant les Peaux-Rouges sont experts pour découvrir une trace.

Après avoir mangé quelques bouchées à la hâte, il laissa ses compagnons goûter un repos dont ils avaient si grand besoin, et se leva pour aller à la découverte.

Cet homme paraissait de fer, la fatigue n’avait pas de prise sur lui ; sa volonté était si ferme qu’il résistait à tout, le désir de sauver la femme qu’il aimait lui donnait une force surnaturelle.

Il descendit lentement la colline, interrogeant chaque buisson, n’avançant qu’avec une prudence extrême, le doigt sur la détente du rifle et l’oreille ouverte au bruit le plus faible.

Dès qu’il fut dans la plaine, certain, grâce aux hautes herbes au milieu desquelles il disparaissait complètement, de dissimuler sa présence, il s’avança à grands pas vers une sombre et épaisse forêt vierge, dont les puissants contreforts arrivaient presque jusqu’à la colline.

Cette forêt était bien ce qu’elle paraissait être, c’est-à-dire une forêt vierge ; les arbres et les lianes enchevêtrés les uns dans les autres formaient un réseau inextricable dans lequel on n’aurait pu se frayer un passage que la hacha à la main ou au moyen du feu. S’il eût été seul, le Tigrero se fût peu embarrassé de cet obstacle en apparence insurmontable ; adroit et fort comme il