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— Parfaitement, répondit le Tigrero avec insouciance.

— Ainsi, votre avis est ?

— Mon avis, interrompit-il brusquement, est de demeurer ici deux ou trois jours ; afin d’être à l’affût de ce qui pourra arriver ; puis, si, au bout de trois jours, nous n’avons rien vu ni entendu de nouveau, de remonter à cheval, de reprendre la route que nous avons suivie jusqu’à présent et de retourner à Guetzalli, sans nous arrêter même pour tourner la tête en arrière, afin d’arriver plus vite et de sortir plus tôt de ces horribles parages.

L’haciendero secoua la tête en homme qui vient de prendre une résolution irrévocable.

— Alors vous partirez seul, don Martial, fit-il sèchement.

— Hein ? s’écria celui-ci en le regardant bien en face, que voulez-vous dire ?

— Je veux dire que je ne reprendrai pas le chemin que j’ai suivi jusqu’à présent, que je ne retournerai pas en arrière, que je ne fuierai pas, en un mot.

Don Martial fut abasourdi par cette réponse.

— Que comptez-vous donc faire ?

— Ne le devinez-vous pas ? Pourquoi sommes-nous venus jusqu’ici ? dans quel but voyageons-nous depuis si longtemps ?

— Mais, don Sylva, la question est changée maintenant. Vous me rendrez la justice de reconnaître que je vous ai suivi sans observations, que j’ai été pour vous un bon guide pendant le cours de ce voyage.

— Je le reconnais, en effet ; maintenant ; expliquez-moi votre pensée.