Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques instants tu t’es rendue coupable, mais à la condition que tu oublieras ce Martial.

— Jamais ! s’écria-t-elle avec résolution.

— Jamais ? c’est bien long, ma fille ; vous réfléchirez, j’en suis sûr. Du reste, quel est cet homme ? d’où sort-il ? le savez-vous ? On le nomme Martial el Tigrero, voto a dios ! Ce n’est pas un nom cela ! Cet homme vous a sauvé la vie en arrêtant votre cheval qui s’était emporté ? eh bien, est-ce une raison pour qu’il devienne amoureux de vous et vous de lui ? Je lui ai offert une magnifique récompense qu’il a refusée avec le plus suprême dédain ; tout est dit ; qu’il me laisse tranquille ; je n’ai et ne veux rien avoir de plus à démêler avec lui.

— Je l’aime ! mon père, reprit encore la jeune fille.

— Tenez, Anita, vous m’impatienteriez si je ne me contraignais pas ; assez sur ce sujet, préparez-vous à recevoir convenablement le comte de Lhorailles. J’ai juré que vous seriez son épouse, et, Cristo ! Cela sera quand je devrais vous traîner de force à l’autel.

L’haciendero prononça ces paroles avec une telle résolution dans la voix et un si ferme accent, que la jeune fille comprit que mieux valait pour elle paraître céder et cesser une discussion qui ne pouvait que s’envenimer et avoir peut-être de graves conséquences ; elle baissa la tête et se tut, tandis que son père marchait à grands pas d’un air mécontent dans le salon.

La porte s’entr’ouvrit, un peone passa discrètement la tête par l’entrebâillement.