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après une course qui souvent durait plusieurs heures.

Mais pas de ces douces causeries, de ces confidences qui font paraître le temps moins long et supporter, sans y songer, les ennuis d’une route interminable. Les voyageurs se tenaient vis-à-vis les uns des autres dans une réserve qui, non-seulement éloignait toute intimité, mais encore toute confiance. Ils ne se parlaient que lorsque les circonstances les y obligeaient absolument, et alors ils n’échangeaient que les paroles strictement indispensables.

C’est que de ces trois personnes deux avaient pour la troisième un secret qui leur pesait et dont elles rougissaient intérieurement.

L’homme, nature essentiellement incomplète, n’est ni entièrement bon ni entièrement mauvais : la plupart du temps, les actes qu’il commet sous l’étreinte de fer de la passion ou de l’intérêt personnel, plus tard, lorsque le sang-froid lui est revenu et qu’il mesure de l’œil le gouffre au fond duquel il a roulé, il les regrette, surtout lorsque sa vie, sans avoir cependant été exemplaire, a du moins jusque là été exempte d’actions répréhensibles au point de vue de la morale.

Telle était en ce moment la situation de don Martial et de doña Anita. Tous les deux avaient été entraînés par leur mutuel amour à commettre une faute qu’ils regrettaient amèrement ; car, nous le consignons ici, afin de ne pas laisser s’égarer l’opinion du lecteur sur le caractère de ces personnages, leur cœur était bon, et lorsque, dans un moment de folie, ils avaient concerté et exécuté leur fuite, ils étaient loin de prévoir les conséquences fatales