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Cet individu était un petit homme trapu, aux épaules carrées, aux membres fortement attachés, à la figure chafouine éclairée par deux petits yeux gris pétillants de malice et de méchanceté ; un assez mauvais drôle en somme, type de l’aventurier de bas étage, pour lequel tout se résume par le vol et l’assassinat.

Cet homme, dont le nom de guerre était Curtius, était Parisien, enfant du faubourg Saint-Marceau. Ancien soldat, ancien matelot, il avait fait tous les métiers, excepté peut-être celui d’honnête homme. Depuis son arrivée à la colonie, il s’était distingué par son esprit d’insubordination, sa brutalité et surtout sa jactance ; il se vantait de devoir huit morts, c’est-à-dire, dans le langage du pays, d’avoir commis huit assassinats. Il inspirait une terreur instinctive à ses camarades.

Lorsqu’il eut été désigné pour porter la parole, d’un coup de poing il jeta son chapeau sur le coin de l’oreille, comme on dit vulgairement, et s’adressant à ses compagnons :

— Vous allez voir comme je vais le rouler, dit-il.

Et il s’avança en se dandinant insolemment vers le capitaine, qui le regardait s’approcher avec un sourire d’une expression indéfinissable.

Soudain, il se fit un grand silence dans cette foule, les cœurs battaient avec force, les visages étaient anxieux ; chacun devinait instinctivement qu’il allait se passer quelque chose de décisif et d’extraordinaire.

Lorsque Curtius ne fut plus qu’à deux pas du capitaine, il s’arrêta, et le toisant avec insolence :