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si vous étiez en proie à une grande frayeur. Vous comprenez, n’est-ce pas ?

— Parfaitement.

La scène fut jouée suivant ce programme. La Jeune fille jeta des cris étourdissants auxquels répondirent les deux aventuriers en déchargeant leurs rifles et leurs pistolets, puis ils se précipitèrent vers l’haciendero, qu’ils se hâtèrent de débarrasser de ses liens, et auquel ils rendirent non-seulement l’usage de ses membres, mais encore celui de ses yeux et de sa langue.

Don Sylva se releva à demi et jeta un regard autour de lui ; il aperçut, attachée, échevelée, à un arbre, sa fille, que deux hommes se hâtaient de délivrer. l’haciendero leva les yeux au ciel et adressa mentalement au Tout-Puissant une prière d’actions de grâces.

Aussitôt que doña Anita fut libre, elle courut vers son père, se jeta dans ses bras, et, tout en l’embrassant, cacha son front, rougissant de honte peut-être de cette supercherie indigne, dans le noble sein du vieillard.

— Pauvre chère enfant ! murmura-t-il avec des larmes dans la voix : c’est pour toi, pour toi seule, que j’ai tremblé pendant le cours de l’horrible nuit qui vient de s’écouler.

La jeune fille ne répondit pas, elle se sentit frappée au cœur par ce reproche.

Don Martial et Cucharès, jugeant le moment favorable, s’approchèrent alors, tenant à la main leurs rifles fumants.

À leur vue, en les reconnaissent, un nuage passa sur le visage de l’haciendero ; un soupçon vague le