Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Là où nous pourrons être heureux ensemble, répondit doucement le Tigrero, en l’enlevant par un mouvement passionné, et la portant en courant jusqu’à la pirogue.

Doña Anita ne résista pas, elle sourit et jeta son bras droit au cou de son amant, afin de conserver l’équilibre dans cette espèce de course au clocher au milieu des palétuviers, où don Martial sautait intrépidement de branche en branche, s’accrochant aux lianes, et encourageant du geste et du regard son précieux fardeau.

Cucharès avait placé don Sylva au fond de la barque, et les pagaies aux mains il attendait impatiemment l’arrivée du Tigrero, car le bruit du combat semblait redoubler d’intensité, bien qu’au nombre des coups de feu et aux cris que l’on entendait, il fût facile déjà de reconnaître que l’avantage resterait aux Français.

— Que faisons-nous ? demanda Cucharès.

— Gagnons le milieu de la rivière, et descendons le courant.

— Mais nos chevaux ! observa le lepero.

— Sauvons-nous d’abord, nous songerons aux chevaux ensuite. Il est évident que les blancs sont vainqueurs. Dès que le combat sera terminé, le comte de Lhorailles fera chercher dans toutes les directions sa fiancée et son beau-père ; il est important de ne pas laisser de traces, sans cela tout est perdu. Les Français sont des démons, ils nous retrouveraient.

— Cependant, je crois… observa timidement Cucharès.

— En route ! s’écria le Tigrero d’un ton péremp-