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— Allons ! s’écria joyeusement le lepero, vous êtes l’homme que je croyais en effet trouver. Eh bien, rapportez-vous-en à moi.

— Il le faut bien, puisque je ne puis faire autrement.

— Que voulez-vous ? le monde est ainsi : aujourd’hui c’est moi, demain ce sera vous. Bah ! pour quelques milliers de piastres, il ne faut pas les regretter.

— Et, d’abord, le nom de mon rival ?

— Ce nom-là vous coûtera cinquantes onces, ce n’est certes pas trop cher.

— Les voilà, dit le comte en les alignant sur la table.

Le lepero les fit immédiatement disparaître au fond de ses larges poches.

— Votre rival, caballero, se nomme don Martial ; il est Tigrero, et, de plus, fort riche.

— Je crois avoir entendu prononcer ce nom par don Sylva.

— C’est probable ; don Sylva ne peut pas le souffrir, surtout depuis que don Martial a sauvé la vie de doña Anita.

— En effet, je me rappelle cette particularité ; don Sylva m’en a plusieurs fois parlé. Maintenant, comment don Martial a-t-il enlevé la jeune fille ?

— Bien facilement, d’autant plus qu’elle ne demandait pas mieux que de le suivre. Pendant votre combat contre les Apaches, il a placé doña Anita dans une pirogue où j’avais déjà descendu son père garrotté et bâillonné ; puis, nous nous sommes éloignés tous les quatre ; toute la nuit nous avons na-