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Monsieur de Lhorailles le comprit. Gentilhomme jusqu’au bout des ongles, c’est-à-dire habitué à dominer immédiatement les positions les plus exceptionnelles et les plus difficiles, il se leva, s’avança le sourire aux lèvres vers l’étranger, lui tendit la main, et se tournant vers ses officiers :

— Messieurs, dit-il avec une infléxion de voix impossible à rendre, et en s’inclinant courtoisement, permettez-moi de vous présenter ce caballero dont, jusqu’à présent j’ignore le nom, mais qui, d’après ce qu’il a dit lui-même, est un de mes ennemis les plus intimes.

— Oh ! seigneur comte, fit l’inconnu d’une voix étouffée.

— Vive Dieu ! j’en suis ravi, s’écria le comte avec vivacité ; ne vous en défendez donc pas, mon cher ennemi, et veuillez prendre place à mes côtés.

— Votre ennemi, je ne l’ai jamais été, seigneur comte ; la preuve, c’est que j’ai fait deux cents lieues afin de vous demander un service.

— Il vous est octroyé dès à présent. Ainsi, à demain les affaires sérieuses ; goûtez ce champagne, je vous prie.

L’inconnu s’inclina, saisit le verre et saluant les convives :

Señore, dit-il, je bois à l’heureuse issue de votre expédition.

Et portant le verre à ses lèvres, il le vida d’un trait.

— Vous êtes un charmant compagnon, monsieur ; je vous remercie de votre toast, il est de bon augure pour nous.