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aura fait entendre son cri aigu. J’ai dit. Deux cents guerriers suivront l’Ours-Noir.

Les chefs s’inclinèrent respectueusement devant le sachem et le laissèrent seul.

Celui-ci s’enveloppa dans sa robe de bison, s’accroupit auprès d’un brasier brûlant devant lui, alluma son calumet au moyen d’une baguette-médecine garnie de grelots et de plumes, et demeura silencieux, les yeux fixés sur la lueur qui grandissait toujours à l’horizon.

L’île où le chef apache avait établi son camp n’était qu’à peu de distance de la colonie française ; le projet de se laisser dériver au courant n’avait rien de fort périlleux pour ces hommes habitués à tous les exercices du corps et qui nageaient comme des poissons ; il avait l’immense avantage de dissimuler complètement l’approche des guerriers cachés par l’eau et les branches, et qui, à un moment donné, fondraient comme une tourbe de vautours affamés sur la colonie.

L’Ours-Noir était tellement convaincu de la réussite de ce stratagème, qu’une cervelle indienne était seule capable de concevoir, qu’il ne voulait avec lui qu’une troupe de deux cents guerriers d’élite, jugeant inutile d’en emmener davantage contre des ennemis surpris à l’improviste, et qui, obligés de se défendre contre les Comanches du Moqueur, seraient attaqués par derrière et massacrés avant même d’avoir eu le temps de se reconnaître.

La nuit vient rapidement et tombe presque tout à coup dans ces contrées où le crépuscule a à peine la durée d’un éclair ; bientôt tout fut ténèbres ; seulement, dans le lointain, une large bande d’un rouge