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— Patience ; nous trouverons, j’en suis certain, si nous prenons la peine de chercher un peu, les moyens de l’abréger. Eh ! tenez, fit-il au bout d’un instant, que vous disais-je ?

Le Tigrero montrait du doigt au lepero une pirogue amarrée à un piquet dans une petite anse de la côte.

— Les colons viennent souvent pécher ici, continua-t-il, ils ont plusieurs pirogues cachées ainsi d’espace en espace. Nous prendrons celle-ci, et en quelques minutes nous serons rendus. Savez-vous manœuvrer une pagaie ?

— Oui, lorsque je n’ai pas peur.

Don Martial le regarda quelques secondes, puis, lui posant rudement la main sur l’épaule :

— Écoutez, Cucharès, mon ami, lui dit-il d’une voix brève, je n’ai pas le temps de discuter avec vous ; j’ai des raisons extrêmement sérieuses d’agir ainsi que je le fais ; il me faut de votre part un concours dévoué, sans arrière pensée ni hésitation ; tenez-vous pour averti. Vous me connaissez, au premier mouvement suspect, je vous fais sauter la cervelle comme à un coyote. Maintenant, aidez-moi à parer cette pirogue, et partons vivement.

Le lepero comprit ; il se résigna. En quelques minutes, la pirogue fut prête et les deux hommes dedans.

Le trajet qu’ils avaient à faire pour atteindre les derrières de l’hacienda n’était pas très-long, mais il était hérissé de dangers : d’abord, à cause de la force du courant, qui entraînait avec lui un nombre considérable de souches et d’arbres morts, pour la plupart encore garnis de leurs branches, et qui,