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du feu du conseil, la hache de guerre à une telle profondeur, que, lorsqu’un Apache rencontrerait un Comanche, il ne verrait plus en lui qu’un frère bien aimé ? Les visages pâles, qui, à chaque lune, envahissent davantage nos possessions, ne nous font-ils pas une guerre assez acharnée, sans que nous leur donnions raison par nos discussions intestines ?

L’Ours-Noir se leva, et étendant le bras avec autorité :

— Mon frère le Moqueur a raison, dit-il, un seul sentiment doit nous guider désormais, le patriotisme ; mettons de côté toutes nos haines mesquines pour ne songer qu’à une seule chose, la liberté ! Les visages pâles sont dans la plus profonde ignorance de nos projets ; pendant quelques jours que j’ai passés à Guaymas, j’ai été à même de m’en convaincre ; ainsi, notre invasion subite sera pour eux un coup de foudre qui les glacera d’épouvante ; ils seront déjà à demi vaincus à notre approche.

Il se fit un silence solennel.

Le Moqueur promena alors sur l’assemblée un regard calme et fier, et s’écria :

— C’est la lune du Mexique qui commence dans vingt-quatre heures. Guerriers Peaux-Rouges, la laisserons-nous passer sans tenter un de ces hardis coups de main dont nous avons l’habitude tous les ans à pareille époque ? Il est surtout une propriété sur laquelle nous devons passer comme un ouragan : cette propriété, fondée par des visages pâles, autres que les Yoris, est pour nous une menace permanente. Je ne ruserai pas avec vous, chefs apaches ; je viens franchement vous offrir, si vous vou-