Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en plein air des tablée de monté, sur lesquelles ruisselait l’or, et où quiconque possédait un réal vaillant avait le droit de le risquer, sans distinction de caste ni de couleur.

Au Mexique, tout se fait autrement que dans les autres pays, tout sort de la loi commune. Les habitants de cette contrée, sans souvenirs du passé qu’ils veulent oublier, sans foi dans l’avenir auquel ils ne croient pas ne vivent que pour le présent et mènent l’existence avec cette fiévreuse énergie particulière aux races qui sentant leur fin prochaine.

Les Mexicains ont deux goûts prononcés qui les gouvernent entièrement ; le jeu et l’amour. Nous disons goût et non passion, parce que les Mexicains ne sont susceptibles d’aucun de ces grands mouvements de l’âme qui surexcitent les facultés, dominent la volonté et ébranlent l’économie humaine en développant une puissance d’action énergique et forte.

Les groupes étaient nombreux et animés autour des tables de monté. Cependant tout se passait avec un ordre et une tranquillité que rien ne venait troubler jamais, bien que nul agent du pouvoir ne circulât dans les rues pour maintenir la bonne intelligence et surveiller les joueurs.

À la moitié environ de la calle de la Merced, l’une des plus larges de Guaymas, en face d’une maison de belle apparence, était installée une table recouverte d’un tapis vert, surchargée d’onces d’or, derrière laquelle se tenait un homme d’une trentaine d’années, à la figure fine et matoise, qui, un jeu de cartes à la main et le sourire aux lèvres, conviait par les plus engageantes paroles les nombreux spectateurs qui l’entouraient à tenter la fortune.