Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec cette patience caractéristique des coureurs des bois.

Le silence qui planait sur le désert était si complet que les bruits les plus faibles étaient perceptibles ; une feuille tombant dans l’eau, un caillou se détachant de la rive, le murmure lent et continu du fleuve coulant sur un lit de gravier, le froissement de l’aile du hibou voletant de branche en branche étaient les seules rumeurs saisissables.

Déjà, depuis plusieurs heures, les trois hommes étaient là, impassibles et veillant, l’œil et l’oreille au guet, le doigt sur la détente du rifle, de crainte de surprise, rien n’était encore venu corroborer les soupçons de la Tête-d’Aigle et les prévisions de Belhumeur, lorsque Louis sentit le bras du chef s’appuyer doucement sur son épaule en lui désignant la rivière ; le Français se releva sur les genoux et regarda.

Un mouvement presque imperceptible agitait la surface du fleuve, comme si un alligator eût nagé entre deux eaux.

— Oh ! oh ! murmura Belhumeur, je crois que voilà ce que nous attendons.

Une masse noire apparut bientôt, flottant plutôt que nageant sur l’eau, et avançant par un mouvement imperceptible vers l’endroit où les chasseurs se tenaient en embuscade.

Au bout de quelques instants, cette masse, quelle qu’elle fût, s’arrêta, et le cri du chien des prairies se fit entendre à plusieurs reprises.

Aussitôt le hurlement du coyote éclata avec force si près des trois hommes que, malgré eux, ils tressaillirent, et un homme se suspendant par les mains