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L’ÉCLAIREUR.

chevrotante et endormie ; pourquoi venez-vous à cette heure avancée frapper au couvent des Bernardines ?

Ave Maria purissima ! dit Salado de son air le plus cafard.

Sin peccado concebida, mon frère, seriez-vous malade ?

— Je suis un pauvre pécheur que vous connaissez, ma sœur ; mon âme est plongée dans l’affliction.

— Qui donc êtes-vous, mon frère ? je crois en effet reconnaître votre voix ; mais la nuit est si noire, que je ne puis distinguer les traits de votre visage.

— Et j’espère bien que tu ne les verras pas, dit mentalement Salado, qui ajouta à haute voix, je suis le señor Templado qui tient une locanda dans la calle PJateros.

— Ah ! je vous remets à présent, mon frère.

— Je crois que cela prend, murmura le pulquero.

— Que désirez-vous, mon frère ? hâtez-vous de me l’apprendre, au très-saint nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, fit-elle en se signant dévotement, mouvement imité par Salado, car l’air est très-froid, et il me faut continuer mes oraisons que vous avez interrompues.

Valga me Dios ! ma sœur, ma femmes et mes deux enfants sont malades ; le révérend père gardien des Franciscains m’a engagé à venir vous demander trois bouteilles de votre eau miraculeuse.

Nous ferons observer en passant que chaque couvent fabrique, au Mexique, une soi-disant eau miraculeuse dont la recette est soigneusement gardée ; cette eau guérit, dit-on, toutes les maladies, miracle que nous n’avons jamais pour notre compte été mis à même de constater ; il va sans dire que cette panacée universelle se vend très-cher et forme le plus clair des revenus de la communauté.

— Jésus ! s’écria la vieille, dont les yeux pétillèrent de joie à la commande exorbitante du pulquero ; trois bouteilles !