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L’ÉCLAIREUR.

— Ensuite elle est partie en me donnant une once d’or.

— Elle est généreuse.

— Pobre niña, fit l’évangelista en posant ses doigts crochus sur ses yeux secs d’un air attendri.

— Assez de momeries auxquelles je ne crois pas ; voila tout ce qu’elle vous a dit ?

— À peu près, fit l’autre en hésitant.

Le sergent le regarda.

— Il y a donc autre chose ? dit-il en lui jetant quelques pièces d’or que Tio Leporello fit disparaître incontinent.

— Presque rien.

— Dites toujours, Tio Leporello, vous qui êtes évangelista, vous savez que c’est ordinairement dans le post-scriptum des lettres que se trouve la raison qui les a fait écrire.

— En quittant mon officina, la señorita fit signe à une providencia[1] qui passait ; la voiture s’arrêta, et bien que là niña parlât bien bas, je l’entendis dire au cocher ; Au couvent des Bernadines.

Le sergent tressaillit imperceptiblement.

— Hum ! fit-il d’un air indifférent parfaitement joué, cette adresse ne signifie pas grand’chose ; maintenant donnez-moi le papier.

L’évangelista fouilla dans son tiroir et en tira une feuille de papier blanc sur laquelle quelques mots étaient tracés en noir d’une façon presque illisible.

Dès que le soldat eut le papier entre les mains, il le parcourut des yeux ; il paraît que ce qu’il lut avait pour lui un grand intérêt, car il pâlit visiblement, et un tremblement convulsif agita tout son corps, mais se remettant presque aussitôt :

— C’est bien, dit-il en déchirant le papier en parcelles imperceptibles, voilà pour vous !

  1. Nom des voitures de place à Mexico.