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L’ÉCLAIREUR.

elle est construite, éprouve, à la vue de cette ville, une émotion étrange dont il ne peut se rendre compte. L’architecture mauresque des édifices, les maisons peintes de couleurs claires, les coupoles sans nombre des églises et des couvents, qui dépassent les azotéas et couvrent, pour ainsi dire, la capitale tout entière de leurs vastes parasols jaunes, bleus ou rouges, dorés par les derniers rayons du soleil couchant, la brise tiède et parfumée du soir, qui arrive comme en se jouant à travers les branches touffues des arbres, tout concourt à donner à Mexico un air tout à fait oriental qui étonne et séduit à la fois. Mexico, brûlée entièrement par Fernando Cortez, fut rebâtie par ce conquérant sur le plan primitif : toutes les rues se coupent à angle droit, et vont aboutir à la plaza Mayor par cinq artères principales, qui sont les calles de Tacuba, de la Monterilla, de Santo-Domingo, de la Moneda et de San-Francisco.

Toutes les villes espagnoles du Nouveau-Monde, construites sur le même plan, ont cela de commun entre elles, que, dans toutes, la plaza Mayor est bâtie de la même façon. Ainsi, à Mexico, elle a sur une des faces, la cathédrale et le Sagrario ; sur la seconde, le palais du président de la république, renfermant les ministères, au nombre de quatre, des casernes, une prison, etc. ; sur la troisième face, se trouve l’Ayuntamiento ; enfin la quatrième est remplie par deux bazars, le Parian et le Portal de las Flores.

Le 10 juillet 1854, vers dix heures du soir, après une chaleur torride qui, pendant tout le jour, avait contraint les habitants à se renfermer dans leurs maisons, la brise s’était levée, avait rafraîchi l’air, et chacun, montant sur les azotéas couvertes de fleurs, qui les font ressembler à des jardins suspendus, s’était hâté de jouir de cette sereine placidité des nuits américaines, qui semble, à travers le ciel bleu, pleuvoir des étoiles. Les rues et les places étaient envahies par les promeneurs ; partout c’était un tohu-bohu,