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L’ÉCLAIREUR.

suis aussi franchement présenté dans votre camp, lorsqu’il m’aurait été facile de me faire accompagner de plusieurs guerriers de ma nation.

Balle-Franche savait fort bien que les Apaches comprenaient l’espagnol, et que, par conséquent, rien de ce qu’il avait dit à Bon-Affût ne leur avait échappé ; mais il était de son intérêt et de celui de son compagnon de feindre l’ignorer, et d’accepter comme argent comptant les propositions insidieuses du chef.

— Ses amis les visages pâles sont campés non loin d’ici ? reprit le chef.

— Oui, répondit Balle-Franche, à quatre ou cinq portées de flèches au plus, dans la direction de l’ouest.

— Ooah ! j’en suis fâché, fit l’Indien, sans cela j’aurais accompagné mes frères jusqu’à leur camp.

— Et qui vous empêche de venir avec nous ? dit nettement le vieux chasseur ; redouteriez-vous une mauvaise réception, par hasard ?

— Och ! qui oserait ne pas recevoir le Loup-Rouge avec les égards qui lui sont dus ? reprit l’Apache avec orgueil.

— Personne, assurément.

Le Loup-Rouge se pencha vers un chef subalterne et lui dit quelques mots à l’oreille ; cet homme se leva et quitta la clairière. Les chasseurs virent ce mouvement avec inquiétude, ils échangèrent un regard qui signifiait : gênons-nous sur nos gardes ? et sans affectation ils reculèrent de quelques pas en arrière en se rapprochant les uns des autres, afin d’être prêts au moindre signe suspect ; ils connaissaient la perfidie des gens avec lesquels ils se trouvaient, et s’attendaient à tout de leur part. L’Indien expédié par le chef rentra en ce moment dans la clairière ; il avait à peine été absent dix minutes.

— Eh bien ? lui demanda le Loup-Rouge.