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L’ÉCLAIREUR.

avec force sans parvenir à les éveiller. Atoyac devina alors une partie de la vérité ; les cris de l’épervier d’eau qu’il avait entendus lui revinrent en mémoire, ne doutant pas que les fugitifs ne se fussent dirigés du côté de la forêt, ils se précipitèrent dans cette direction en hurlant.

Atoyac fut le premier qui aperçut les fuyards, et ce fut lui qui tira le coup de feu dont la balle avait tué un gambucino. Mais la position des blancs devenait critique ; car, en arrivant sur la lisière de la forêt, ils se virent subitement arrêtés par la troupe d’Addick et d’Estevan qui les chargèrent avec fureur. Les jeunes filles étaient au milieu des gambucinos, protégées par don Mariano et Balle-Franche ; elles se trouvaient relativement en sûreté.

Pendant que Bon-Affût et Ruperto faisaient volte-face pour repousser les attaques des guerriers d’Atoyac et soutenir la retraite, don Miguel, s’armant d’un casse-tête que la main d’un Apache blessé venait de laisser échapper, se précipita au plus épais de la mêlée en bondissant comme un tigre aux abois. Les combattants, trop serrés les uns contre les autres pour faire usage de leurs armes à feu, s’égorgeaient à coup de couteau et de lance, ou bien s’assommaient avec les casse-têtes et les crosses des rifles et des fusils.

Cet affreux carnage dura près de vingt minutes, animé par les hurlements sauvages des Indiens et les cris non moins atroces des gambucinos. Enfin, par un effort désespéré, don Miguel parvint à rompre la digue humaine qui s’opposait à son passage, et se précipita, suivi de ses compagnons, par la large et sanglante trouée qu’il avait ouverte, au prix de la mort de dix de ses plus déterminés compagnons. Laissant à Bon-Affût le soin de s’opposer aux derniers efforts des Peaux-Rouges, don Miguel rallia son monde autour de lui, et toute la troupe s’élança dans les profondeurs de la forêt, où elle disparut bientôt.