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L’ÉCLAIREUR.

truction adopté par les Indiens pour ces embarcations, qui entre autres avantages ont celui d’être extrêmement légères. Balle-Franche prit les pagaies ; don Miguel chargea la pirogue sur son dos, et en quelques minutes elle fut à flot.

— Maintenant embarquez-vous, dit Balle-Franche.

— Un instant, observa don Miguel, garnissons les pagaies pour éviter le bruit.

Balle-Franche haussa les épaules.

— Ne soyons pas trop fins, dit-il, cela nous nuirait. S’il y a des Indiens près d’ici, ils verront la pirogue ; si en même temps ils n’entendent pas le bruit des pagaies, ils soupçonneront un piège et voudront s’assurer de la vérité. Non, non, laissez-moi faire ; couchez-vous au fond de la pirogue ; elle est petite, heureusement pour nous ; les Peaux-Rouges ne supposeront jamais qu’une si chétive embarcation, montée par un homme seul, ait la prétention de les surprendre ; car ce qui fait, relativement, la sécurité de notre expédition, ne l’oubliez pas, c’est sa témérité et sa folie même : il faut être des visages pâles pour avoir des idées aussi biscornues. Je me rappelle qu’en l’année 1835, dont je vous parlais tout à l’heure…

— Partons, partons, interrompit dont Miguel en sautant dans la pirogue, au fond de laquelle il s’installa, d’après la recommandation de son compagnon.

Celui-ci le suivit en hochant la tête et prit les pagaies, dont il ne se servit cependant qu’avec une nonchalance affectée qui ne communiquait à l’embarcation qu’un mouvement lent et mesuré.

— Voyez-vous, continua le chasseur, de la façon dont nous marchons, s’il y a aux aguets quelques-uns de ces diables rouges, ils me prendront évidemment pour un de leurs compatriotes attardé à la pêche et qui regagne son calli.

Cependant peu à peu et d’une manière imperceptible le