Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
L’ÉCLAIREUR.

rêveur qui se dirige vers le ciel et, se fixant partout sans rien voir, cherche à deviner ce qu’elles ignorent, tout enfin dans ces êtres incompréhensibles et voluptueusement naïfs, semble commander l’adoration et appeler l’amour.

Doña Laura possédait surtout ce magnétisme fascinateur du regard, cette candide douceur un peu enfantine du sourire qui annihilent la volonté.

Lorsque son grand œil bleu, voilé de long cils noirs, s’abaissait complaisamment sur le jeune homme et se fixait sur lui d’un air pensif, il se sentait tressaillir dans tout son être, il avait froid au cœur ; et en proie intérieurement à une sensation d’une volupté immense et inconnue, il souhaitait de mourir ainsi aux pieds de celle qui pour lui n’était plus une créature terrestre, mais presque un ange.

Pendant le cours accidenté de sa vie, l’aventurier n’avait connu de la femme que ce que la civilisation atrophiée du Mexique lui en avait laissé deviner, c’est-à-dire le côté hideux et repoussant. Le hasard, en le mettant tout à coup en contact avec une jeune fille pure et candide comme celle qu’il avait sauvée, avait apporté dans ses idées une révolution complète en lui faisant comprendre que jusque ce jour la femme, telle que Dieu l’avait créée pour l’homme, lui était demeuré complètement inconnue.

Aussi, sans s’en apercevoir, tout naturellement, s’était-il laissé aller au charme qui agissait sur lui à son insu, et s’était-il mis à aimer doña Laura de toutes les forces agissantes de son âme, sans chercher à se rendre compta du nouveau sentiment qui s’était emparé de lui, heureux du présent, sens vouloir songer à l’avenir, qui n’existerait probablement jamais pour lui.

L’insouciance dans l’avenir est généralement le fond du caractère de tous les amoureux ; ils ne voient et ne peuvent voir au delà du présent par lequel ils sentent, par lequel ils souffrent ou sont heureux, par lequel enfin ils vivent.