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L’ÉCLAIREUR.

— Voici les faits, dit-il ; je les raconterai à mon frère tels qu’ils sont venus à ma connaissance ; seulement mon frère m’engage sa parole que, quelle que soit la résolution qu’il prendra après m’avoir entendu, il ne me mêlera en rien, moi, homme paisible et craintif, dans cette affaire ; que mon nom même ne sera pas prononcé, et que les chefs dont je vais lui dévoiler la conduite ignoreront ma présence à Quiepaa-Tani.

— Que mon père parle en toute confiance ; je lui jure par le nom sacré du Wacondah et par la grande Ayotl — tortue — que, quoi qu’il arrive, son nom ne sera pas mêlé à cette affaire : nul ne saura de quel façon j’ai obtenu les renseignements qu’il me donnera. Atoyac est un des premiers sachems de Quiepaa-Tani ; lorsqu’il lui plaît de dire une chose, ses paroles n’ont pas besoin d’être confirmées par d’autres témoignages que le sien.

Ainsi que cela arrive souvent, dans la circonstance présente, à part l’inquiétude causée par les habiles réticences du chasseur, le chef n’était pas fâché de l’importance qu’allaient sans doute lui donner les détails qu’il allait apprendre et le rôle qu’il serait indubitablement appelé à jouer dans les événements qui en seraient la suite.

— Och ! reprit le chasseur avec un geste de satisfaction, puisqu’il en est ainsi, je parlerai.

Alors le Canadien fit à son complaisant et crédule auditeur une longue histoire extrêmement embrouillée, où la vérité était si adroitement mêlée au mensonge qu’il aurait été impossible à l’homme le plus fin de distinguer l’une de l’autre ; mais dont il résultait que, si les blancs étaient parvenus aux environs de la ville, c’étaient Addick et le Loup-Rouge qui les avaient entraînés sur leurs traces, en ne cachant leur piste que tout juste ce qu’il le fallait pour que ceux qui les poursuivaient ne la perdissent pas. L’ensemble des faits racontés par le chasseur était si habilement