Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
L’ÉCLAIREUR.

que nous aurons avec lui ; dans tous les cas, ce n’est pas un grand mal d’écraser de semblables vermines.

Tout en parlant ainsi, Balle-Franche et son compagnon avaient pénétré dans le buisson.

Domingo, renversé et garrotté étroitement au moyen de la reata de Ruperto, se débattait vainement pour rompre les liens qui lui entraient dans les chairs. Ruperto, les deux mains réunies sur le canon de son rifle dont la crosse reposait à terre, écoutait en ricanant mais sans lui répondre le flot d’injures et de récriminations que la rage arrachait au métis.

— Dios me ampare ! disait celui-ci en se tordant comme une vipère. Verdugo del demonio ! est-ce ainsi que l’on agit entre gente de razon ! Suis-je donc un Peau-Rouge pour me ficeler comme une carotte de tabac et me serrer les membres comme à un veau que l’on mène à l’abattoir ? Si jamais tu tombes entre mes mains, chien maudit, tu me payeras le tour que tu m’as joué !

— Au lieu de menacer, mon brave homme, dit Balle-Franche en intervenant, il me semble, que vous feriez mieux de convenir loyalement que vous êtes entre nos mains et d’agir en conséquence.

Le bandit tourna brusquement la tête, la seule partie du corps qu’il avait de libre vers le chasseur.

— Vous avez bon air à m’appeler brave homme et à me donner des conseils, vieux trappeur de rats musqués, lui dit-il brutalement ; êtes— vous des blancs ou des Indiens, pour traiter ainsi un chasseur.

— Si au lieu de chercher à entendre ce qui ne vous regardait pas, digne señor Domingo, c’est ainsi qu’on vous nomme je crois, dit don Stefano d’un air narquois, si vous étiez resté tranquillement à dormir dans votre camp, le petit désagrément dont vous vous plaignez ne vous serait pas arrivé.