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L’ÉCLAIREUR.

l’épervier d’eau répété trois fois à intervalles égaux, alors il faudra agir vigoureusement.

— C’est compris, répondit Balle-Franche ; rapportez-vous-en à nous.

— Je suis prêt, dit Bon-Affût au chef ; que faut-il faire ?

— D’abord il faut vous habiller, répondit l’Aigle-Volant.

— Comment ! m’habiller ? fit le chasseur en jetant un regard étonné sur sa personne.

— Ooah ! mon frère croit-il donc qu’il entrera à Quiepaa-Tani avec ses vêtements de visage pâle ?

— C’est juste, un déguisement indien est de rigueur ; attendez un instant.

Le travestissement n’était pas long à opérer.

L’Églantine s’était modestement retirée dans l’épaisseur du bois, afin de ne pas assister à la toilette du chasseur.

En quelques minutes Bon-Affût avait tiré de ses alforjas un rasoir avec lequel il avait abattu barbe et moustache.

Pendant ce temps, le chef avait été cueillir une plante qui croissait en abondance dans la forêt. Après en avoir extrait le jus, l’Aigle-Volant aida le Canadien, qui s’était dépouillé de tous ses vêtements, à s’en teindre le corps et le visage. Puis le chef lui dessina, tant bien que mal, une ayotl, ou tortue sacrée, sur la poitrine, accompagnée de quelques ornements fantastiques qui n’avaient rien de belliqueux, et qu’il lui reproduisit sur le visage. Il donna aux cheveux, encore presque tous noirs du chasseur, une nuance blanchâtre destinée à le faire paraître très-âgé ; car on sait que chez les Indiens les cheveux conservent fort longtemps leur couleur ; il noua les cheveux sur le sommet de la tête, à la mode des Yumas, les Peaux-Rouges les plus voyageurs qui existent, et à gauche de cette touffe, afin de bien exprimer qu’elle ornait le chef d’un homme pacifique, il planta une plume de papagallo, au lieu de la