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L’ÉCLAIREUR.

qui, dans sa pensée, était indigne d’un chef, qui doit en toute circonstance demeurer impassible.

— En effet, reprit Bon-Affût, ce que propose le chef nous fera gagner un temps précieux ; son idée est excellente.

L’Aigle-Volant ordonna d’un geste à l’Églantine de s’approcher.

La jeune femme obéit.

Alors le chef lui expliqua dans sa langue ce qu’elle devait faire, pendant que, timidement posée devant lui, elle l’écoutait avec une grâce charmante.

Lorsque le chef lui eut donné ses instructions dans les plus grands détails, et qu’elle se fut bien pénétrée de ce qu’on attendait d’elle, elle se tourna gracieusement vers don Mariano et Bon-Affût, et, avec un doux sourire, elle leur dit d’une voix harmonieuse :

— L’Églantine saura.

Ces deux mots remplirent le cœur du pauvre père de joie et d’espérance.

— Soyez bénie, jeune femme, lui dit-il, soyez bénie pour le bien que vous me faites en ce moment et pour celui que vous avez l’intention de me faire.

La séparation du mari et de la femme fut ce qu’elle devait être entre Indiens, c’est-à-dire grave et froide ; quelque amour qu’éprouvât l’Aigle-Volant pour sa compagne il aurait eu honte devant des étrangers, et surtout devant des blancs, de montrer la moindre émotion et de laisser deviner ses sentiments pour elle.

Après s’être une dernière fois inclinée devant don Mariano et Bon-Affût en signe d’adieu, L’Églantine s’éloigna rapidement, de ce pas gymnastique et relevée qui fait des Indiens les premiers et les meilleurs marcheurs du monde. Si grand que fut le stoïcisme du chef, cependant il suivit