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L’ÉCLAIREUR.

Le capitaine s’inclina.

— Me permettez-vous à mon tour, reprit l’étranger, de vous adresser une question ?

— Je vous en prie.

— Pourquoi cet échange de nom ?

— Parce que, dans la Prairie, il est bon de pouvoir distinguer ses ennemis de ses amis.

— C’est juste ; maintenant ?

— Maintenant je suis certain de ne pas vous compter parmi les premiers.

Quien sabe ? repartit en riant don Stefano ; il y a de si étranges hasards !

Les deux hommes, après avoir encore échangé quelques mots de la façon la plus amicale, se serrèrent cordialement la main ; don Miguel rentra sous la tente, et don Stefano, après s’être étendu les pieds au feu, s’endormit ou du moins ferma les yeux.

Une heure après, le silence le plus complet régnait dans le camp. Les feux ne jetaient plus qu’une lueur douteuse, et les sentinelles, appuyées sur leurs rifles, se laissaient elles-mêmes aller à cette espèce de vague somnolence qui n’est pas encore le sommeil, mais qui déjà n’est plus la veille.

Soudain un hibou, caché probablement dans un arbre voisin, poussa à deux reprises son houhoulement mélancolique.

Don Stéfano ouvrit subitement les yeux ; sans changer de position, il s’assura par un regard investigateur que tout était tranquille autour de lui ; puis, après s’être convaincu que son machète et ses revolvers ne l’avaient pas quitté, il saisit son rifle et imita à son tour le cri du hibou ; un cri pareil lui répondit.

L’étranger, après.avoir accommodé son zarapé de façon à imiter un corps humain, dit, en le flattant à voix basse,