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L’ÉCLAIREUR.

vers à six coups brillaient à sa ceinture, et il avait jeté sur l’herbe auprès de lui un rifle américain magnifiquement damasquiné en argent.

Après que le capitaine l’eut laissé seul, cet homme, tout en s’installant devant le feu de la façon la plus confortable, c’est-à-dire en disposant son zarapé et ses armes d’eau pour lui servir de lit au besoin, jeta autour de lui un regard furtif dont l’expression aurait sans doute donné beaucoup à penser aux aventuriers, si ceux-ci avaient pu le surprendre ; mais tous s’occupaient aux soins de l’installation du camp et des préparatifs de leur souper ; s’en reposant surtout sur la loyauté de l’hospitalité des prairies, ils ne songeaient en aucune façon à surveiller ce que faisait l’étranger assis à leur foyer.

L’inconnu, après quelques minutes de réflexion, se leva et s’approcha d’un groupe de trappeurs, dont la conversation semblait fort animée et qui gesticulaient avec ce feu naturel aux races du Midi.

Eh ! fit un d’eux en apercevant l’étranger, ce seigneur va, d’un mot, nous mettre d’accord.

Celui-ci, directement interpellé, se tourna vers son interlocuteur.

— Que se passe-t-il donc, caballeros ? demanda-t-il.

— Oh ! mon Dieu, une chose bien simple, répondit l’aventurier ; votre cheval, une belle et noble bête, je dois en convenir, senor, ne veut pas frayer avec les nôtres, il fait rage des pieds et des dents contre les compagnons que nous lui avons donnés.

— Eh ! cela est simple, en effet, observa un second aventurier en ricanant ; ce cheval est un costeño, il est trop fier pour frayer avec de pauvres tierras adentro comme nos chevaux.

À cette singulière raison, tous éclatèrent d’un rire homérique.