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L’ÉCLAIREUR.

aux hommes accourus pour les recevoir, et se dirigèrent à grands pas vers la tente. Arrivés là, le premier s’arrêta, et s’adressant à son compagnon :

— Caballero, lui dit-il, soyez le bienvenu au milieu de nous ; quoique fort pauvres nous-mêmes, nous partagerons avec joie le peu que nous possédons avec vous.

— Merci, répondit le second en s’inclinant, je n’abuserai pas de votre gracieuse hospitalité ; demain, au point du jour, je serai, je crois, assez reposé pour continuer ma route.

— Vous agirez comme bon vous semblera : installez-vous auprès de ce foyer préparé pour moi, tandis que j’entrerai quelques instants sous cette tente ; bientôt je vous rejoindrai et j’aurai l’honneur de vous tenir compagnie.

L’étranger s’inclina et prit place devant le feu allumé à peu de distance de la tente, pendant que le capitaine laissait retomber derrière lui le rideau qu’il avait soulevé et disparaissait aux yeux de son hôte.

Celui-ci était un homme aux traits accentués, dont les membres trapus dénotaient une force peu commune ; les quelques rides qui sillonnaient son visage énergique semblaient indiquer qu’il avait dépassé déjà le milieu de la vie, bien que nulle trace de décrépitude ne se laissât voir sur son corps solidement charpenté, et que pas un cheveu blanc n’argentât sa longue et épaisse chevelure noire comme l’aile du corbeau. Cet homme portait le costume des riches hacenderos mexicains, c’est-à-dire la manga, le zarapé aux couleurs bariolées, les calzoneras de velours ouvertes au genou, et les botas vaqueras ; son chapeau, en poil de vigogne galonné d’or, avait la forme serrée par une riche toquilla attachée par un diamant de prix ; un machète sans fourreau pendait à sa hanche droite, passé simplement dans m anneau de fer ; les canons de deux revol-