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L’ÉCLAIREUR.

chasseurs. Après avoir doucement déposé la civière à l’extrémité opposée du lieu où don Stefano était étendu, les gambucinos, sans quitter leur chevaux, formèrent un grand cercle autour de la clairière et demeurèrent immobiles la carabine sur la cuisse, rendant par cette manœuvre toute tentative de fuite impossible.

Des crânes de bisons destinés à servir de sièges furent disposés en demi-cercle devant un feu de branches sèches Sur ces crânes, au nombre de cinq, cinq hommes prirent place immédiatement. Ces cinq hommes se rangèrent dans l’ordre suivant : don Miguel Ortega, remplissant les fonctions de président, au centre, ayant à sa droite Bon-Affût et à sa gauche Balle-Franche, puis le chef indien et un gambucino.

Ce tribunal en plein air, au milieu de cette forêt vierge, entouré de ces cavaliers aux costumes étranges, immobiles comme des statues de bronze florentin, offrait un aspect imposant et saisissant à la fois ; ces cinq hommes, au front sévère, aux sourcils froncés, calmes et impassibles, ressemblaient à s’y méprendre, à cette sainte vehème qui, dans les anciens jours, sur les bords du Rhin, s’était substituée à la justice légale impuissante à réprimer les crimes, et rendait ses arrêts en plein air, au grondement sourd des vents et aux murmures mystérieux des grandes eaux.

Malgré lui, don Stefano sentit un frémissement de terreur parcourir son corps, en jetant un coup d’œil circulaire sur la clairière et en apercevant tous ces regards fatalement dirigés sur lui avec cette implacable fixité de la force et du droit du désert.

— Hum ! murmura-t-il à part lui, je crois que j’aurai peine à m’en tirer, et que je me suis trop hâté de chanter victoire.

En ce moment, deux chasseurs, sur un signe de don