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L’ÉCLAIREUR.

— Señores, dit-il, une affaire pressante m’oblige à m’éloigner pour quelques heures, veillez avec soin sur le camp pendant mon absence, surtout ne laissez pénétrer personne au milieu de vous ; nous nous trouvons dans des régions où la plus grande prudence est nécessaire pour se garantir de la trahison qui menace sans cesse et prend toutes les formes pour tromper ceux que la négligence empêche de se tenir sur leurs gardes. Le guide que nous attendons si impatiemment, arrivera sans doute d’ici à quelques instants ; ce guide, plusieurs d’entre vous le connaissent déjà de vue, tous le connaissent de réputation, peut-être viendra— t-il seul, peut-être amènera-t-il quelqu’un avec lui. Cet homme, dans lequel nous devons avoir la plus grande confiance, doit être, pendant mon absence, entièrement libre de ses actions, aller et venir sans qu’on lui oppose le moindre obstacle ; vous m’avez entendu, suivez de point en point mes recommandations ; du reste, je vous le répète, je serai bientôt de retour.

Après avoir fait un dernier signe d’adieu à ses compagnons, don Miguel sortit du camp et se dirigea vers le Rubio, dont il traversa facilement le gué presque à sec en ce moment.

Ce que le chef des aventuriers avait dit à ses compagnons, à propos de Bon-Affût, était une inspiration du ciel, car, s’il n’avait par ordonné péremptoirement qu’on laissât le chasseur libre de ses mouvements et de ses volontés, il est probable que les sentinelles lui auraient barré le passage, et alors le jeune homme, privé du secours providentiel des deux coureurs des bois, aurait été incontestablement perdu.

Après avoir traversé le gué, don Miguel lança son cheval à toute bride tout droit devant lui ; cette course furieuse dura à peu près deux heures, à travers des bois touffus qui, à chaque instant, se faisaient plus épais et se métamorphosaient peu à peu en forêt.