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Partout on entendait des cris joyeux et des éclats de rire ; ces dignes aventuriers avaient repris toute leur gaieté, puisqu’on allait se battre, c’est-à-dire avoir des coups à donner et à recevoir.

Le colonel Florès vaguait assez tristement au milieu de cette cohue ; sa position devenait difficile ; il le sentait ; cependant, il ne savait comment prolonger son séjour parmi les Français, maintenant que la guerre était déclarée, que les intérêts de la société dont il était le délégué se trouvaient complétement mis de côté, et que, de cette façon, la seule raison plausible qu’il aurait pu invoquer pour demeurer lui manquait. Depuis l’arrivée des Français au Mexique, le double rôle joué par le colonel lui avait rapporté de belles sommes ; son métier d’espion, rendu facile par la confiante franchise des aventuriers, avait été pour lui une source d’énormes bénéfices : on ne renonce pas ainsi sans peine à une position lucrative.

Aussi, le colonel avait-il le front soucieux, car il se creusait la tête pour trouver un prétexte à présenter au comte. Au plus fort de ses combinaisons diplomatiques, Valentin se présenta à lui, et de l’air le plus innocent, lui annonça que don Luis le faisait chercher et désirait causer avec lui. Le colonel tressaillit à cette nouvelle ; il remercia le chasseur et se rendit en toute hâte auprès du comte.

Valentin le suivit des yeux avec un sourire ironique, et, certain que Louis le retiendrait assez longtemps auprès de lui, il commença l’exécution du plan qu’il avait préparé.

Sur ces entrefaites la nuit était venue, une nuit sombre et triste, sans étoiles au ciel ; les nuages