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— Ici même, monsieur ; je n’ai, grâce à Dieu, rien à cacher à mes braves compagnons.

Le général, évidemment contrarié, mit cependant pied à terre ; les dames et les officiers qui l’accompagnaient en firent autant ; seule, l’escorte demeura en selle, l’arme haute et les rangs serrés.

Sur un ordre de don Luis, plusieurs tables avaient été dressées et instantanément couvertes de rafraîchissements dont les officiers français commencèrent à faire les honneurs avec cette grâce et cette gaîté qui distinguent leur nation.

Le général et le comte s’étaient assis sur des butaccas placées à l’entrée de l’église de la Mission, auprès d’une table sur laquelle se trouvaient plume, encre et papier.

Il y eut entre les deux hommes un silence assez prolongé.

Évidemment, ni l’un ni l’autre ne voulait parler le premier. Ce fut le général qui entama l’entretien.

— Oh ! oh ! fit-il, vous avez du canon avec vous ?

— Ne le saviez-vous pas, général ?

— Ma foi, non !

Et il ajouta avec un rire moqueur :

— Est-ce que c’est avec de telles armes que vous avez l’intention de poursuivre les Apaches ?

— À présent moins que jamais, général, répondit sèchement don Luis ; je ne sais à quoi me servira cette artillerie ; seulement elle est bonne, et je suis convaincu qu’au besoin elle ne me trahira pas.

— Est-ce une menace, monsieur ? demanda le général avec intention.

— À quoi bon menacer, quand on peut agir ? dit nettement le comte. Mais il ne s’agit pas de