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nous tromper ; mais, vive Dieu ! je vous mettrai à la raison ; tenez-vous-le pour dit.

Le comte se redressa, une rougeur fébrile empourpra ses joues ; d’un geste il remit sur sa tête le chapeau que jusque-là il avait gardé à la main, et regardant le général bien en face :

— Je vous ferai observer, señor don Sébastian Guerrero, dit-il d’une voix brisée par l’émotion qu’il essayait en vain de contenir, que vous ne m’avez pas rendu mon salut, et que vous employez de singulières paroles en vous adressant à un gentilhomme au moins aussi noble que vous. Est-ce donc là cette courtoisie mexicaine si vantée ? Venez au fait, caballero, sans tenir un langage indigne de vous et de moi, expliquez-vous franchement, afin que je sache, une fois pour toutes, ce que j’ai à craindre ou à espérer de ces éternelles tergiversations, et de ces continuelles trahisons dont je suis victime.

Le général demeura un instant pensif après cette rude apostrophe ; enfin son parti fut pris, il ôta son chapeau, salua gracieusement le comte, et changeant aussi subitement de ton qu’il avait changé de manières :

— Pardonnez-moi, caballero, dit-il, je me suis laissé malgré moi emporter à employer des expressions que je regrette vivement

Le comte sourit avec dédain.

— Ces excuses me suffisent, monsieur, dit-il.

Au mot d’excuses, le général avait tressailli, mais il se remit.

— Où désirez-vous que je vous communique les ordres de mon gouvernement ?