Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fluence était immense sur les pueblos : c’était celui qui, au nom de ses compatriotes, avait assuré le comte qu’aussitôt qu’une ville importante serait tombée au pouvoir des Français, le signal de la révolte serait donné, et le pays soulevé en quelques jours, afin d’opérer une diversion décisive.

Don Luis, ne voulant pas perdre un instant dans la prévision d’un succès, lui écrivit une lettre dans laquelle, en lui annonçant la prise d’Hermosillo, il l’avertissait d’être prêt à le soutenir et de donner le signal du soulèvement.

Nous constatons ce fait afin de prouver combien le comte, non-seulement se croyait certain de réussir, mais encore prévoyait tout avec cette intuition sublime que possèdent seulement les hommes de génie.

La lettre écrite et les dernières dispositions prises, le comte et Valentin sortirent de l’appartement.

Il était environ deux heures du matin ; le ciel était sombre, et de chaudes rafales venant du désert courbaient en sifflant les cimes touffues des arbres.

Les deux frères de lait descendirent dans le patio.

Tous les habitants de l’hacienda étaient réunis pour saluer le comte au départ.

Doña Angela, revêtue d’un long peignoir blanc, le visage pâle et les yeux pleins de larmes, semblait un fantôme aux reflets blafards des torches agitées par les peones.

L’escorte était en selle et attendait immobile ; Curumilla tenait en bride les chevaux des deux Français.

Lorsqu’ils parurent, chacun se découvrit et les salua par une profonde et respectueuse inclination.

— Au revoir, don Luis, lui dit don Rafaël. Que Dieu vous donne la victoire !