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— Moi ! caballeros, moi qui, en leur nom, traiterai avec vous et assumerai la responsabilité de tout.

— Oui, la perspective que vous nous faites entrevoir est séduisante, caballero, répondit, au nom de tous, don Anastasio. Nous reconnaissons la vérité des faits que vous annoncez ; nous ne savons que trop bien combien notre position est précaire, et quels grands dangers nous menacent ; mais un scrupule nous retient en ce moment. Avons-nous le droit de plonger notre malheureux pays, à moitié ruiné déjà, dans les horreurs d’une guerre civile, lorsque dans cette contrée infortunée rien n’est préparé pour une résistance énergique ? Le gouvernement de Mexico, si faible pour le bien, est fort pour le mal. Il saura trouver des troupes pour nous réduire, si nous osons nous soulever. Le général Guerrero est un officier expérimenté, un homme froid et cruel qui ne reculera devant aucune extrémité, si terrible qu’elle soit, pour étouffer dans le sang toute tentative de révolte. En quelques jours à peine, il est parvenu à réunir une formidable armée pour vous vaincre ; chacun de vos soldats, dans la lutte qui se prépare, aura à combattre individuellement contre dix adversaires. Si braves que soient les Français, il est impossible qu’ils puissent résister à des forces aussi imposantes : une bataille perdue, et tout est dit pour vous ; toute opposition armée vous devient impossible, nous qui vous aurons aidés, vous nous entraînerez dans votre chute, et cela d’une façon d’autant plus à redouter pour nous que notre position n’est pas la vôtre : nous sommes les enfants de ce pays, nous y avons nos familles et nos fortunes ; nous avons donc tout à perdre ; au lieu que vous,