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peurs épaisses qui s’élevaient de la terre, et les oiseaux, blottis sous la feuillée, s’éveillaient en chantant.

Les deux amis, un peu en avant de leur escorte, marchaient pensifs l’un auprès de l’autre, la bride sur le cou de leurs chevaux, et laissant errer un regard distrait sur le magnifique paysage qui se déroulait à leurs yeux.

Déjà les premières maisons du pueblo, gaîment encadrées dans des massifs de floripondios et de vigne vierge, se laissaient voir au tournant de la route. Louis releva la tête :

— Bien ! dit-il, comme se répondant à lui-même, je jure Dieu que cette nuit sera la dernière que le général Guerrero se moquera ainsi de moi ; il est évident que le colonel Suarez ne venait dans mon camp que pour voir par lui-même en quel état nous sommes.

— Pas pour autre chose.

— Où allons-nous donc ainsi ?

— Assister à un combat de coqs.

— Assister à un combat de coqs ? fit le comte avec surprise.

Le Chasseur lui lança un regard significatif.

— Oui, lui dit-il ; tu sais peut-être, et au cas où tu l’ignorerais, je te l’apprends, que les plus beaux combats de coqs ont lieu tous les ans à la Magdalena à l’époque de la fête patronale.

— Ah ! fit Louis avec indifférence.

— Je suis certain que cela t’intéressera, reprit Valentin avec un accent narquois.

Le comte comprit parfaitement que son ami ne lui parlait de cette façon que pour dérouter les oreilles à portée d’entendre, et il se tut, persuadé que bientôt tout s’éclaircirait.