Page:Aimard - Curumilla, 1860.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’engageait à la prudence et l’empêchait de jamais s’aventurer trop près des avant-postes français.

Il se contentait de surveiller activement les mouvements du comte, et d’occuper militairement les trois routes, de façon à pouvoir se transporter rapidement sur le point qui serait menacé par les aventuriers.

Une chose singulière, c’est que, malgré eux, les Américains du Sud n’ont jamais pu, après tant de siècles, et bien qu’ils descendent ou à peu près des Espagnols, se défaire de la terreur superstitieuse que lors de la conquête leur inspirèrent les conquérants européens ; les hauts faits de ces héroïques aventuriers sont encore dans toutes les bouches, et à l’époque de l’indépendance il arriva bien des fois qu’un petit nombre d’Espagnols mit en fuite, rien qu’en se montrant, des masses d’insurgés mexicains.

La preuve la plus convaincante qu’il nous soit possible de donner du fait que nous avançons, c’est que, en ce moment même, trois cents aventuriers français, isolés au milieu d’un pays qu’ils ne connaissaient pas, dont la plupart n’entendaient même pas la langue, tenaient en échec une armée de douze mille hommes, commandée par des chefs qui passaient pour aguerris, et faisaient non seulement trembler le pays de Sonora qu’ils occupaient, mais encore le gouvernement fédéral dans Mexico même.

L’audace et la témérité de l’entreprise tentée par le comte augmentaient encore, s’il est possible, la terreur qu’il inspirait. Cette expédition était tellement folle, que les gens sensés ne pouvaient se figurer que le comte ne fût pas soutenu par des