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maison de Dieu, et l’on n’entend plus que la voix de la solitude qui murmure incessamment parmi les cases désertes et siffle à travers les murs écroulés, que les herbes parasites envahissent rapidement, rongent sans cesse, et ne tarderont pas à renverser sur le sol et à recouvrir d’un vert linceul.

C’était le soir ; le fleuve grondait sourdement à travers les palétuviers ; le ciel, semblable à un dôme de diamant, étincelait de ces millions d’étoiles qui sont aussi des mondes ; la lune répandait une vague et mystérieuse lumière, et l’atmosphère, rafraîchie par une brise folle, était embaumée de ces acres senteurs du désert, si bonnes et si saines à respirer.

Cependant la nuit était assez fraîche, et trois voyageurs, accroupis autour d’un vaste brasier allumé au milieu des décombres, semblaient en apprécier la chaleur bienfaisante.

Ces voyageurs, sur les rudes visages desquels jouaient les reflets changeants de la flamme, auraient offert un splendide sujet de tableau à un peintre, avec leurs costumes étranges et leurs physionomies caractérisées, campés là au milieu de cette nature abrupte et sauvage.

Un peu en arrière du groupe principal, quatre chevaux entravés à l’amble broyaient à pleine bouche leur provende, tandis que leurs maîtres, de leur côté, terminaient un maigre repas composé d’une tranche de venaison, de quelques morceaux de tasajo et de tortillas de maïs, le tout arrosé d’eau, légèrement mélangé de refino, destiné à corriger en partie sa crudité.

Ces trois hommes étaient le comte Louis, Valentin et don Cornelio.